Rentrée 2025 : comment organiser le retour au bureau ?

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September 30, 2025
Publié par
Marie

À l’heure où de nombreux accords de télétravail arrivent à échéance et où certaines grandes entreprises annoncent un durcissement de leur politique hybride, le retour au bureau s’impose comme un sujet central dans le débat sur l’organisation du travail.

En France, la question est particulièrement sensible : le télétravail est désormais considéré comme un acquis social. Revoir sa politique, c’est toucher à l’équilibre social de l’entreprise, mais aussi s’exposer à des enjeux juridiques et organisationnels majeurs.

Dès lors, il convient de préparer soigneusement ce changement de politique : évaluer la faisabilité du projet, anticiper ses impacts, mais surtout mener une conduite du changement adaptée pour garantir que la nouvelle organisation soit comprise et acceptée, et mieux encore, que les collaborateurs aient envie de revenir au bureau !

Cet article est issu du webinaire organisé par Deskare le 26 septembre 2025, au cours duquel deux experts ont décrypté la tendance du retour au bureau et partagé leurs conseils pour mener à bien ce changement de politique hybride :
  • Maud Chevalier : experte du Future of Work et de l’expérience collaborateur, elle accompagne des entreprises qui souhaitent travailler différemment et adopter de nouveaux modes de travail (flex office, adoption de l’IA, changement de culture managériale…). Elle a également co-fondé Explore RH, une association et communauté de DRH qui souhaitent développer leurs compétences, partager leurs pratiques et s’inspirer.
  • Olivier Motte : associé et cofondateur de Majorelle Avocats et de l’écosystème RH Majorelle Conseil, il accompagne depuis 2009 des entreprises de toutes tailles en droit social, tant en conseil qu’en contentieux. Formé au sein de cabinets de référence, il a développé une expertise particulière dans la gestion des situations de crise et de réorganisation d’entreprises.

Décryptage de la tendance du retour au bureau

87 % des entreprises françaises exigent un retour au bureau au moins une partie du temps
JLL, Le travail hybride fonctionne-t-il vraiment ?, 2024

Société Générale, Free, JCDecaux… Les annonces d’entreprises durcissant leur politique de télétravail ont occupé une partie de l’espace médiatique durant l’été 2025, ravivant le débat autour de l’organisation hybride.

Un mouvement est bel et bien à l’œuvre : la flexibilité totale héritée de l’ère post-Covid s’efface progressivement, au profit d’un cadre clair. Cette dynamique coïncide d’ailleurs avec l’arrivée à échéance de nombreux accords de télétravail, offrant ainsi l’opportunité de remettre en question la politique hybride en vigueur.

Une dynamique amorcée aux États-Unis

Avant les premières annonces françaises, le phénomène du retour au bureau s’était déjà enclenché aux États-Unis. Dès 2022, la banque américaine JP Morgan annonçait mettre fin au télétravail, suivie quelques mois plus tard par les géants Amazon et Tesla.

En Hexagone, cette dynamique est arrivée deux ans plus tard, et de manière plus mesurée : l’objectif n’est pas de supprimer l’hybride, mais de le rééquilibrer en imposant trois à quatre jours de présence par semaine.

Faut-il y voir une étape transitoire avant la disparition du télétravail ? Maud Chevalier n’y croit pas. La situation américaine est en effet très différente de celle française, où la culture du dialogue social est beaucoup plus ancrée, et le télétravail perçu comme un acquis social.

“Je ne crois pas à la fin du télétravail en France. D’ailleurs, le nombre croissant d’entreprises qui adoptent le flex office montre bien la volonté de pérenniser l’hybride.”
Maud Chevalier

Derrière la question du retour au bureau, une volonté de recréer du collectif

“Compte tenu de notre forte culture d’entreprise reposant sur la proximité, l’innovation et la performance, nous avons constaté que les interactions entre équipes, managers et collaborateurs étaient plus efficaces en présentiel.”

C’est l'explication avancée publiquement par Thierry Raulin, DRH France de JCDecaux, pour justifier le durcissement de la politique hybride, qui impose désormais quatre jours de présence au bureau par semaine.

Si les arguments en faveur du retour au bureau sont connus de tous - baisse de productivité, perte de cohésion, désengagement - Maud Chevalier rappelle que le télétravail n’a pas fait naître tous les maux qu’on lui attribue, mais qu’il en est plutôt un révélateur. Faire revenir les collaborateurs sur site ne résoudra pas des problèmes managériaux, d’organisation ou d’efficacité individuelle (aucune étude ne montre que les collaborateurs sont moins productifs en télétravail).

En revanche, le véritable enjeu derrière la question du retour au bureau est collectif : dans un contexte hybride, nourrir l’émulation d’équipe et la collaboration est plus complexe. C’est pourquoi la présence au bureau peut être légitimement demandée, à condition qu’elle ait du sens, précise Maud Chevalier : “si les collaborateurs viennent au bureau pour passer leurs journées avec un casque en visio, cela n’a pas grand intérêt”. Les managers ont donc un rôle crucial à jouer pour faire en sorte que le temps passé sur site devienne un moment d’échanges et de collaboration - autrement dit, une expérience que le télétravail ne permet pas de recréer.

Le retour au bureau est-il possible ?

Avant de modifier une politique hybride, il est essentiel d’anticiper les aspects légaux et organisationnels susceptibles d’entraver la faisabilité et la bonne mise en œuvre du retour au bureau.

L’employeur peut-il modifier unilatéralement la politique de télétravail en vigueur ?

La réponse à cette question dépend de la façon dont le télétravail a été formalisé dans l’entreprise, précise Olivier Motte :

  • Via un accord collectif, qui peut être à durée déterminée ou indéterminée. Dans le premier cas, l’accord prend fin à l’issue d’une période, souvent triennale, et doit être remplacé par un nouveau socle collectif. Dans le second, l’accord peut être dénoncé à tout moment par n’importe quel signataire, y compris l’employeur. S’ensuit alors une période de prévenance de trois mois, puis une période de survie de douze mois, au cours de laquelle l’employeur et les organisations syndicales se rencontrent pour négocier un nouvel accord. Si aucun consensus n’est trouvé au terme de ces quinze mois, il n’existe plus d’accord collectif pour organiser le télétravail dans l’entreprise.
  • Via une charte, document rédigé de manière unilatérale, qui peut être modifié ou annulé par un mécanisme de dénonciation. Cela suppose toutefois d’informer les Instances Représentatives du Personnel (IRP) et l’ensemble des bénéficiaires, en respectant un délai de prévenance “raisonnable”. Ce délai n’est pas fixé par la loi, mais apprécié en fonction de l’impact de la nouvelle organisation sur la vie des collaborateurs. Olivier Motte recommande de prévoir entre six et douze mois.
  • Via une mention dans le contrat de travail, dans le cadre d’une négociation individuelle. Cette formalisation est la plus contraignante à modifier, car une remise en cause unilatérale s’apparente à une violation du contrat de travail. Le salarié peut alors reprocher à l’employeur le non-respect de ses obligations contractuelles et saisir le conseil de prud’hommes pour licenciement injustifié avec dommages et intérêts.
  • Dans certains cas, le télétravail n’est pas formalisé et repose simplement sur un accord tacite entre l’employeur et le salarié. Cette situation n’autorise pas pour autant l’employeur à modifier la pratique hybride de manière unilatérale. En effet, une organisation du travail connue et acceptée par l’employeur peut avoir une valeur contractuelle, comme la jurisprudence l’a déjà reconnu.

Les deux cas les plus fréquents sont la formalisation du télétravail par accord collectif ou par charte. Le premier implique une période de survie plus longue ainsi qu’une obligation de renégociation avec les organisations syndicales. C’est pourquoi, selon Olivier Motte, la charte est souvent privilégiée par les dirigeants, car elle leur offre davantage de marge de manœuvre pour modifier la politique hybride en vigueur.

Dans les deux cas, Olivier Motte recommande de consulter le CSE, s’il existe, au préalable, car la modification des règles de télétravail impacte directement les conditions de travail des collaborateurs. Si le CSE n’a aucun pouvoir de refus, l’absence d’information et de consultation pourrait néanmoins être qualifiée de délit d’entrave. Par ailleurs, Olivier Motte souligne l’importance de s’assurer en amont de la faisabilité du retour au bureau (nombre suffisant de postes disponibles…), au risque que le CSE reproche à l’employeur l’absence d’étude d’impact de la nouvelle politique sur les conditions de travail.


Comment gérer les salariés qui ont déménagé loin de leur domicile ?

En 2021, 30 % des DRH se disaient confrontés à des salariés ayant déménagé loin de leur domicile et les mettant devant le fait accompli, d’après le Baromètre ANDRH. Pour ces collaborateurs, la question du retour au bureau peut être d’autant plus complexe qu’il n’est pas toujours réaliste de faire les trajets domicile-bureau trois ou quatre jours par semaine.

Si l’employeur ne peut pas imposer à un collaborateur de changer de domicile, il ne peut pas non plus s’appuyer sur une éventuelle clause de mobilité inscrite dans le contrat de travail — la jurisprudence ayant déjà établi qu’une telle clause ne pouvait modifier l’organisation du travail. Olivier Motte rappelle que c’est bien la politique hybride en vigueur qui prime. Dès lors, si celle-ci impose un certain nombre de jours de présence, le collaborateur doit respecter les règles, quel que soit son lieu de domicile, au risque de s’exposer à une procédure disciplinaire.

Cela étant, Maud Chevalier souligne que dans ce type de situation, il est préférable de privilégier le dialogue et d’accorder à ces collaborateurs un certain délai avant la mise en application de la nouvelle politique hybride.

Comment s’assurer que les bureaux soient en capacité d’accueillir les collaborateurs dans de bonnes conditions ?

Suite à la généralisation du télétravail post-Covid, certaines entreprises ont réduit leurs surfaces en adoptant une organisation en flex office et se retrouvent aujourd’hui dans l’incapacité d’accueillir leurs collaborateurs, faute de places suffisantes. C’est par exemple le cas d’Amazon qui, après avoir rappelé ses équipes au bureau, a constaté un manque de postes de travail dans certains sites, au point de devoir repousser la mise en application de sa nouvelle politique.

Il est donc essentiel de réaliser un état des lieux de l’espace disponible avant d’entamer une renégociation de l’accord ou une dénonciation de la charte de télétravail. Maud Chevalier explique accompagner fréquemment des entreprises sur cette problématique, mais rappelle que les taux de flex choisis en France tournent généralement autour de 0,7 à 0,8 (soit 7 à 8 postes pour 10 collaborateurs). Dans les faits, une politique imposant trois à quatre jours de présence ne pose pas de difficultés majeures, car les taux d’occupation des bureaux pré-Covid avoisinaient déjà 80 %, du fait des absences liées aux déplacements, congés, arrêts maladie ou formations.

Pour la co-fondatrice d’Explore RH, l’enjeu principal réside dans la bonne distribution des “jours pivots”, ces journées où les managers demandent à leurs équipes de se retrouver au bureau. Elle recommande ainsi d’échanger avec eux pour s’assurer que ces journées soient bien réparties dans la semaine, afin de fluidifier les venues sur site.

Elle précise enfin qu’un ajustement des aménagements peut aussi être nécessaire, en prévoyant par exemple davantage de bulles de concentration pour permettre aux collaborateurs de s’isoler lors de moments de concentration.

Comment organiser le retour au bureau ?

Quelle nouvelle politique hybride choisir ?

La mise en place du retour au bureau soulève de nombreuses questions pratiques, à commencer par le choix de la nouvelle politique hybride. Si la France ne se dirige a priori pas vers la fin du télétravail, il est clair que les entreprises cherchent un nouvel équilibre. Pour ce faire, elles disposent de plusieurs options :

  • Un nombre maximum de jours de télétravail autorisés
  • Un nombre minimum de jours de présence requis
  • Des jours fixes de présence ou de télétravail

Ces approches peuvent sembler similaires sur le papier - on peut aboutir au même équilibre entre présentiel et télétravail - mais, comme le souligne Maud Chevalier, la perception par les collaborateurs est très différente. Parler de “réduction du télétravail” inscrit la démarche dans une logique de restriction, alors que mettre l’accent sur “l’augmentation du temps au bureau” valorise l’importance du présentiel.

Le choix d’une règle basée sur un minimum de présence présente aussi l’avantage de renforcer la présence effective, notamment pour les collaborateurs à temps partiel ou lors des semaines comportant un jour férié. Exemple : si une entreprise autorise deux jours de télétravail, un salarié ne sera présent que deux jours sur une semaine de quatre jours ouvrés. En revanche, si la règle impose trois jours de présence, il viendra trois jours malgré la journée fériée.

Quant à la politique des jours fixes, Maud Chevalier recommande de l’appliquer plutôt à l’échelle des équipes, en tenant compte des contraintes et des préférences de chacun.

👉 À lire sur ce sujet : du maximum autorisé au minimum requis de présence – quelle règle adopter ? 

Comment mener une bonne conduite du changement ?

Le durcissement d’une politique hybride peut susciter colère et incompréhension, comme l’ont montré les revendications des syndicats de Société Générale, très présentes dans l’espace médiatique durant l’été 2025.

Maud Chevalier rappelle qu’il existe derrière ces tensions un véritable enjeu de communication : les collaborateurs se sentent parfois infantilisés, avec le sentiment que cette décision traduit une défiance de leurs dirigeants à l’égard de leur efficacité en télétravail. Elle insiste donc sur l’importance d’expliquer clairement les raisons pour lesquelles davantage de présence est demandée. Elle identifie notamment cinq difficultés récurrentes liées au télétravail :

  • L’apprentissage, plus complexe à distance, en particulier pour les nouveaux arrivants, qui apprennent beaucoup par observation.
  • La connaissance des autres métiers de l’entreprise, rendue possible par les rencontres informelles au bureau avec des départements différents de ceux avec lesquels on collabore habituellement.
  • La multiplication des réunions, car un problème qui se règle en quelques minutes dans un couloir nécessite souvent une réunion en télétravail.
  • La culture d’entreprise, qui repose sur des interactions physiques et s’effrite lorsque le télétravail devient trop important.
  • L’engagement, qui se dilue à mesure que les collaborateurs voient moins leurs collègues et leurs managers.

Maud Chevalier recommande également de donner la parole aux salariés pour qui le présentiel a manqué, en particulier la jeune génération. Elle constate que certains ont souffert d’un onboarding où aucun membre de leur équipe n’était présent physiquement.

Les collaborateurs sont tout à fait en mesure de comprendre cela, à condition qu’on leur explique que le retour au bureau n’est pas une marque de défiance, mais une manière de recréer du collectif et de renforcer le bien-être de chacun.

Comment rendre le bureau plus attractif ?

Au-delà de l’acceptation du retour au bureau, il y a également un autre enjeu pour les entreprises : donner envie aux collaborateurs de revenir, en rendant le bureau plus attractif. Aujourd’hui, celui-ci a perdu le monopole du lieu de production et se retrouve en concurrence avec le domicile, les cafés ou encore les tiers-lieux. Dès lors, comment faire en sorte que les collaborateurs reviennent de leur plein gré, et non par obligation ?

Si l’on entend souvent que l’attractivité du bureau repose sur la qualité de l’environnement de travail, Maud Chevalier estime qu’il s’agit d’un must have, mais certainement pas de la raison principale qui incitera les équipes à venir plus souvent sur site.

“Il ne faut pas croire que les collaborateurs vont revenir parce qu’il y a une salle de sport au bureau.”
Maud Chevalier

Pour cette experte de l’expérience collaborateur, c’est avant tout le collectif qui donne envie de revenir. Tout l’enjeu réside donc dans la création d’une expérience qualitative et différenciante de celle qu’ils peuvent avoir chez eux.

Donner de la visibilité sur la présence des collaborateurs

73 % des salariés viendraient plus souvent au bureau s’ils savaient à l’avance qui serait présent.Harvard Business Review, “To Get People Back in the Office, Make It Social”, 2022

De facto, le travail hybride rend incertaine la présence des collègues au bureau, qu’il s’agisse de ceux avec qui l’on a besoin de collaborer ou de ceux avec qui l’on apprécie échanger. Un levier simple et efficace pour encourager le retour consiste donc à donner de la visibilité sur la présence des collaborateurs. Une solution comme Deskare rend cela possible, en permettant aux équipes de partager facilement leur planning de présence et de savoir quand leurs collègues seront sur site !

Comment s’assurer du bon respect de la nouvelle politique de télétravail ?

15 % des collaborateurs en Europe ne respectent pas la politique de travail hybride de leur entreprise.
JLL Workforce Preference Barometer 2025

Pour s’assurer du respect de la charte de télétravail, certaines entreprises ont mis en place des fichiers Excel que les collaborateurs remplissent pour indiquer leurs jours de télétravail. Mais cette solution transitoire, héritée de l’ère post-Covid, finit bien souvent par être abandonnée : les fichiers sont rarement tenus à jour, et la visibilité sur la pratique du télétravail reste limitée pour les Ressources Humaines comme pour les managers.

Des outils comme Deskare offrent une alternative plus pérenne, avec une interface intuitive permettant aux collaborateurs de partager leur planning hybride directement depuis leur outil de communication interne (Microsoft Teams, Slack…). La solution propose également d’enregistrer leurs habitudes de télétravail, qu’elle utilise pour suggérer un planning à valider lors du rappel envoyé en fin de semaine pour organiser celle à venir. Le taux d’adoption d’un tel outil excède les 95 %, pour deux raisons majeures :

  • Le renseignement des jours de présence est rapide et facilité par le rappel automatique.
  • Les collaborateurs y trouvent un réel intérêt : savoir quand leurs collègues seront au bureau.

De leur côté, les Ressources Humaines et managers disposent de tableaux de bord pour suivre la pratique du télétravail et s’assurer du respect de la politique en vigueur.

À propos de l'auteur

Marie est responsable Marketing. Forte de 4 ans d'expérience en marketing B2B, elle s'est spécialisée sur les sujets de Futur du Travail et d'Environnement de travail. Elle publie régulièrement des articles de recherche issus des données de la solution Deskare et d'interviews d'experts du marché (DET, consultants, AMO...).