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Le passage au flex office doit s’inscrire dans une démarche de change management où la transparence joue un rôle essentiel, voire est un facteur déterminant de son succès. En effet, l’aspect émotionnel de cette démarche est très fort : retirer le bureau physique, élément constitutif du « statut » hiérarchique, et passer à une logique de partage, le bien nommé « desk sharing », peut être une source de tensions, de craintes et de perte de repères, notamment pour une génération qui a été habituée la majorité de sa vie à un bureau attribué et personnel.
L’image d’Epinal du bureau personnalisé avec le mug, la photo de famille et la dernière médaille du petit dernier a la vie dure…
Comment alors préparer au mieux ce changement, et transformer les détracteurs a priori en convaincus, voire en ambassadeurs ?
Les managers intermédiaires sont doublement concernés par le projet : comme l’ensemble des collaborateurs, ils vont être impactés par la transformation des espaces, mais ils joueront également un rôle clé dans l’accompagnement de leurs équipes. Ils sont les maillons essentiels à la réussite du projet, car ils font le lien entre la direction et le groupe projet, et les collaborateurs, en assurant à la fois la transmission des informations et la remontée des préoccupations.
Pour faire d’eux des ambassadeurs, Nathalie Cara, Responsable de l’environnement de travail chez Manutan, insiste sur l’importance de « donner du sens au projet ».
Dès les prémices du projet de réaménagement en flex office, elle a organisé des groupes de travail avec les managers pour leur expliquer que le rapport au bureau avait changé avec le développement du télétravail : on ne venait plus au bureau simplement pour travailler, mais pour échanger, collaborer.
Par conséquent, les traditionnelles lignes de bureaux n’étaient plus adaptées aux nouveaux usages — il fallait créer des espaces alternatifs, alignés avec le modèle hybride.
Si cette phase de conviction est indispensable, elle ne suffit pas : les managers adhèreront au projet à hauteur de leur participation.
C’est pourquoi il faut les impliquer dès le stade du macro-zoning, c’est-à-dire au moment de la répartition des équipes dans les grandes zones des bureaux. La DIE (Direction de l'Immobilier de l'État) préconise de leur partager a minima le plan des zones attribuées aux différentes entités et espaces communs, voire de leur demander leur opinion.
C’est notamment la démarche adoptée par Pernod Ricard, qui a sollicité les managers pour cartographier les interactions entre les différents départements.
Résultat : les équipes qui collaborent régulièrement ont été regroupées sur un même étage, leur permettant de se retrouver facilement et ainsi d’accroître les synergies.
Dans la phase de micro-zoning (aménagement par sous-entité), la participation des managers est d’autant plus critique qu’elle concerne l’agencement même de leur territoire d’équipe. Grégory Rouca, Directeur Workplace chez LVMH, insiste sur l’importance de cette étape, pour assurer ce qu’il considère être l’enjeu n°1 des bureaux : être au service des métiers.
Selon lui, les espaces de travail doivent être conçus pour permettre aux collaborateurs de travailler dans les meilleures conditions possibles, en tenant compte des spécificités et des modes de fonctionnement propres à chaque équipe.
Cela implique non seulement de rencontrer les managers pour comprendre leurs besoins, mais aussi de travailler en itération avec eux pour s’assurer que les aménagements proposés répondent réellement à leurs attentes.
« Après la prise de besoins auprès des managers, il est important de ne pas arriver avec une proposition figée ; il faut s’assurer que ce que l’on a enregistré de la demande des managers a bien été compris. »
Grégory Rouca, Directeur Workplace, LVMH
Autre témoignage pertinent à cet égard : l’aménageur Quentin Audrain considère les managers comme les meilleures « sentinelles » des pratiques quotidiennes et les associe dès le diagnostic initial. C’est pourquoi, après avoir réalisé un questionnaire, l’équipe de Yemanja organise des ateliers dédiés aux managers, où chacun cartographie le parcours type de ses collaborateurs (arrivée, pauses, réunions, concentrations). Ces sessions permettent de faire émerger les habitudes non formalisées.
En complément, Quentin Audrain préconise d’aller travailler une journée chez le client et d’observer in situ ce qui se passe dans les bureaux. Car parfois le déclaratif ne rend pas fidèlement compte de la réalité.
En tant qu’utilisateurs finaux, les collaborateurs ont un rôle crucial dans l’expression des besoins. Il faut les impliquer en amont du projet, pour prendre en compte leurs demandes et attentes, via une enquête par exemple. C’est notamment ce qu’a fait Pernod Ricard : trois ans avant le déménagement dans son nouveau siège The Island, l’équipe projet et l’architecte en charge du projet avaient lancé une vaste enquête auprès des collaborateurs pour cerner leurs attentes vis-à-vis du nouveau site.
Avec un taux de participation de 50 %, cette consultation a permis d’identifier un certain nombre de besoins, notamment :
Bien qu’il soit rarement possible de répondre à l’ensemble des demandes exprimées, une communication transparente sur les décisions prises et les arbitrages effectués est indispensable pour assurer l’adhésion au projet.
« Il est important de faire une restitution transparente des résultats issus du recueil des besoins ou du questionnaire, en adoptant une position honnête sur ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas. »
Marine Chabot, Associée chez Convictions RH
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Pernod Ricard est même allé plus loin dans l’implication des collaborateurs, en organisant des visites d’inspiration et de chantier ainsi qu’un showroom pour le choix du mobilier, afin de leur permettre de se projeter dans leur futur environnement. Sur la base du volontariat, les employés ont même eu la possibilité de participer activement à l’appel d’offres pour le choix du prestataire de restauration en assistant aux briefs et aux séances de dégustation.
Au-delà de l’implication des managers, il est aussi judicieux de faire participer l’ensemble des collaborateurs à la création des nouveaux espaces, pour maximiser leur engagement afin de profiter de « l’effet Ikea », ce biais cognitif selon lequel on accorde davantage de valeur à ce que l’on a contribué à créer soi-même.
Dans cette logique, Pernod Ricard a organisé des ateliers de planification sur Lego pour permettre à chaque équipe de concevoir l’aménagement de son plateau (choix du nombre de postes classiques, de phone booths, etc.). Une seule contrainte leur était imposée : ne pas dépasser 70 % de la surface occupée par des postes traditionnels.
À défaut de pouvoir organiser des sessions avec l’ensemble des collaborateurs, il est aussi possible de désigner un ambassadeur par équipe pour faciliter les échanges et faire remonter les besoins. C’est la stratégie qu’a choisie VINCI Immobilier, qui a même impliqué les ambassadeurs dans les choix de mobilier et de décoration, considérés comme des éléments du quotidien ayant un fort impact sur l’appropriation des lieux.
« C’est important d’écouter les équipes sur ces sujets, car ce sont eux qui vont vivre dans ces espaces tous les jours ».
Taïs Hagerman, Architecte et Assistante à Maîtrise d'Ouvrage chez Vinci Immobilier Conseil
Lors du projet, une vingtaine de modèles de chaises de bureau ont été testés, et c’est le modèle ayant reçu le plus de votes de la part des collaborateurs qui a été retenu.
Tout au long du projet, il est important de maintenir une communication régulière, et de permettre aux collaborateurs de poser leurs questions et d’émettre des idées, par exemple via un chat anonyme avec la direction ou encore l’ouverture d’un espace collaboratif sur une plateforme numérique (foire aux questions, boîte à idées, mise en ligne de la documentation...).
Pour assurer une transition en douceur vers le flex office et rassurer les collaborateurs, certaines entreprises mettent en place des équipes « pilote » chargées de tester la configuration avant le déploiement général. C’est notamment la stratégie adoptée par Grégory Rouca, Directeur Workplace chez LVMH, qui a mis en place des équipes « ambassadeurs » qui se sont portées volontaires pour tester la nouvelle configuration. Leur retour d’expérience positif a permis de rassurer le reste des collaborateurs, générant un effet d’entraînement vertueux.
« La nouveauté est source de peur, mais on peut arriver à casser ces codes avec des équipes ambassadeurs qui montrent l’exemple. »
Grégory Rouca, Directeur Workplace chez LVMH
👉 Cet article est issu de notre Manuel Pratique du Flex office, qui rassemble les conseils d’experts et d’entreprises de renom qui ont réussi leur passage au flex office (BIC, Pernod Ricard, LVMH…).