Le flex office gagne du terrain dans les entreprises françaises : il favorise l’optimisation de l’espace, réduit les coûts immobiliers et stimule la collaboration. Pourtant, intégrer l’accessibilité dans ce type d’environnement n’est pas une option, mais une priorité pour tous. En France, 12 millions de personnes vivent avec un handicap (DREES, 2024), et la loi exige des conditions de travail équitables pour chacun. Lorsque les postes ne sont plus attitrés et que les réservations passent par des applications, on prend le risque d’exclure certains collaborateurs si l’accessibilité n’est pas anticipée à chaque étape.
Ce guide aborde :
- Le cadre réglementaire en matière d’accessibilité et de flex office
- Les principaux obstacles à surmonter pour rendre ces espaces réellement inclusifs
- Des conseils concrets de conception, de gouvernance et d’évaluation
- L’apport de la technologie pour piloter l’accessibilité
Concevoir un flex office sans maîtriser les obligations règlementaires expose à de lourdes conséquences. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 fait de l’accessibilité un droit, imposant à tout établissement recevant du public ou à tout lieu de travail d’être accessible à chacun, sans discrimination.
Les arrêtés du 20 avril 2017 précisent les dimensions minimales des circulations, la gestion des pentes, et la signalisation à mettre en place dans les bâtiments existants. Le Code du travail (articles R. 4224-1 à R. 4224-40) encadre aussi les obligations liées à la sécurité, l’éclairage, et l’ergonomie des postes.
Côté outils numériques, tout logiciel ou application interne – par exemple pour réserver un poste de travail – doit suivre le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) et être utilisable au clavier ou avec un lecteur d’écran. En négligeant ces règles, vous exposez non seulement votre organisation à des sanctions financières et pénales (jusqu’à 45 000 € d’amende et 3 ans de prison pour le dirigeant), mais aussi à une dégradation de votre image et à la démobilisation de personnes qui se sentent exclues.
La mise en place du flex office peut perturber les habitudes, mais certains choix posent de vrais défis si l’accessibilité n’est pas intégrée dès la conception :
- L’absence de poste dédié complique la donne pour une personne à mobilité réduite (PMR). Tous les matins, elle doit localiser un espace conforme à ses besoins, ce qui peut devenir un parcours du combattant.
- Pour les personnes malvoyantes ou neuroatypiques, une signalétique mouvante ou peu contrastée rend l’orientation et la navigation complexes, surtout dans les espaces où le zoning évolue selon les projets.
L’accessibilité ne se limite pas à quelques équipements disséminés : elle doit inspirer toute l’architecture de l’espace de travail. Voici les points clés à comprendre et comment les mettre en œuvre.
Assurer une circulation fluide est primordial :
- Les couloirs et points de demi-tour doivent être larges (au moins 1,40 m) pour garantir le passage d’un fauteuil roulant, même en cas de croisement.
- Chaque changement de niveau (marche, rampe) doit être signalé au sol avec des bandes podotactiles, ce qui aide non seulement les personnes malvoyantes mais sécurise tous les usagers.
- Les rampes d’accès doivent présenter une pente douce (inférieure à 5 %) et comporter deux hauteurs de main courante pour convenir à tous.
La loi impose qu’au moins 5 % des postes soient adaptés PMR sur chaque plateau, mais il s’agit d’un seuil minimal : mieux vaut adapter ce taux à la réalité de votre organisation. Ces postes doivent être clairement identifiés et facilement réservables dans l’application, avec une hauteur de table réglable (de 65 à 125 cm), et tous les objets utiles (téléphone, prises…) accessibles à une main dans un rayon de 45 cm. Cette organisation évite le sentiment d’exclusion et favorise l’autonomie.
Un mobilier ergonomique fait la différence : privilégiez des chaises sans accoudoir pour faciliter les transferts, et installez des écrans sur bras articulé pour permettre à chacun de les ajuster selon ses besoins.
L’acoustique influence l’inclusion : il est indispensable de limiter le bruit dans les zones silencieuses (idéalement < 45 dB) grâce à des panneaux absorbants au mur ou au plafond. Il peut être également judicieux de mettre en libre service des casques anti-bruit : ils sont souvent indispensables pour les profils neuroatypiques, hypersensibles au bruit ou sujets à l’inattention.
Sur le plan de l’éclairage, choisissez un éclairage indirect d’au moins 300 lux et de température 4000 K, équipé de variateurs. Cela limite l’éblouissement, qui peut gêner les personnes migraineuses ou épileptiques.
👉 À noter : prévoir un audit acoustique et lumière (à partir de 2 000 €, selon la surface) permet de cibler précisément les améliorations et de justifier votre démarche auprès de la direction ou du CSE.
Pour s’orienter facilement, chaque pictogramme doit être normalisé (ISO 7001) et présenter un contraste d’au moins 70 % avec le fond. Il faut également éviter les numérotations incohérentes, préférer une logique continue (pas de « salle A » à côté de « salle 15 »).
De plus, l’ajout de QR codes en relief peut grandement aider à déclencher une audiodescription pour les personnes malvoyantes.
Offrir des phone box fermées, accessibles avec une porte large (≥ 90 cm) et une assise rabattable, est un signe fort pour l’inclusion.
Par ailleurs, si votre entreprise dispose de salles de repos, faites en sorte de limiter la stimulation sensorielle (lumière tamisée, murs unis) : elles sont précieuses pour toutes les personnes ayant besoin de se retirer, notamment pour raison médicales (épilepsie, neurodiversité, migraines…).
L’expérience de flex office commence bien souvent face à un écran. C’est pourquoi votre plateforme de réservation et vos outils collaboratifs doivent respecter les normes les plus récentes en matière d’accessibilité (WCAG 2.2 niveau AA). Concrètement, il est impératif que la navigation soit possible entièrement au clavier et que les personnes utilisant des lecteurs d’écran (JAWS, NVDA, VoiceOver) puissent accéder à toutes les informations.
Pendant les visioconférences, pensez à intégrer des sous-titres et assurez-vous que toutes les informations textuelles offrent un contraste suffisant (> 4,5:1).
Inclure et maintenir l’accessibilité dans votre politique flex office exige une organisation rigoureuse. Il est conseillé de nommer un référent handicap au sein des équipes Workplace ou RH, qui sera le point de contact privilégié sur ces sujets.
Impliquer les collaborateurs concernés dès les phases de conception (ex : focus group, tests d’usage) limite les oublis et aligne le projet sur les besoins réels. Une formation régulière des facility managers aide à accompagner au mieux les salariés ayant besoin d’assistance. Les préférences d’accessibilité – notamment liées à la santé – doivent être stockées de façon sécurisée et conforme au RGPD, pensez à garder la politique de sécurité à jour.
Enfin, il faut organiser des revues régulières pour adapter les aménagements aux usages réels. Rien n’est figé en flex office, encore moins les besoins d’accessibilité.
Piloter l’accessibilité nécessite des données fiables : grâce aux capteurs IoT ou aux statistiques de réservation, il devient possible de mesure l'usage de ces postes, et de détecter proactivement si leur nombre est insuffisant. Des outils de gestion du flex office comme Deskare vous permettent de mettre des labels sur les postes PMR, et de suivre leur usage réel.
Pour vérifier que votre flex office répond réellement à toutes les exigences d’inclusion, passez en revue les points suivants :
- 5 % de postes adaptés PMR sur chaque plateau, voire plus selon vos effectifs
- Circulation facile : largeur minimale de 1,40 m, pas d’obstacles
- Rampes accessibles (< 5 % de pente), main courante double hauteur
- Mobilier réglable et ergonomique (tables 65 à 125 cm, chaises adaptées)
- Éclairage adapté et bien réparti (300–500 lux)
- Acoustique maîtrisée grâce à des panneaux absorbants
- Signalétique normalisée, contrastée et tactile
- Espaces de repos accessibles à tous et peu stimulants
- Application interne compatible RGAA 4.1 (navigation au clavier, filtres « accessibilité »…)
- Formations et audits réguliers, comité utilisateurs impliqué dans l’amélioration
- Suivi analytique de l’occupation, du confort et de la satisfaction utilisateurs
Quels types de handicaps faut-il prendre en compte ? Tous : moteur, visuel, auditif, cognitif, psychique. Un espace vraiment inclusif répond aux besoins visibles et invisibles.
Le quota de 5 % de postes PMR est-il suffisant ? C’est un minimum légal. Ajustez-le à la réalité de vos équipes ; certaines entreprises montent à 10 % pour anticiper les pics de présence.
Puis-je réserver un bureau accessible si je ne suis pas reconnu RQTH ? Oui ; la loi interdit de demander la nature du handicap. L’important est que le poste reste disponible pour ceux qui en ont besoin.
Comment financer les aménagements ? L’Agefiph ou le FIPHFP (secteur public) peuvent couvrir jusqu’à 80 % des frais d’amélioration du poste de travail.
La responsabilité du dirigeant peut-elle être engagée en cas d’accident lié à l’inaccessibilité ? Oui. Le manquement à l’obligation de sécurité est une faute inexcusable de l’employeur.