Comment concilier semaine en 4 jours et télétravail ?

Future of work
April 23, 2024
Publié par
Vianney

Et si le week-end de trois jours devenait la norme ? À l’heure de la pratique du travail hybride qui tend à s’équilibrer, le débat sur la semaine de travail de 4 jours prend de l'ampleur et requestionne les politiques RH. Une étude réalisée en 2023 par le cabinet de recrutement Hays révèle même que 62% des répondants, parmi les 11 000 participants, préféreraient travailler tous les jours au bureau sur une semaine de 4 jours, plutôt que 5 jours dans un modèle hybride classique.

Alors que la semaine de travail en 4 jours gagne du terrain à l'étranger, fin mars 2024, le Premier Ministre français Gabriel Attal a ouvert la voie à une réflexion sur le temps de travail. Pour offrir plus de liberté et de flexibilité aux travailleurs, il s'est dit favorable à la généralisation de la semaine de travail "en" 4 jours, lançant ainsi une expérimentation dans tous les ministères.

L'aspiration à un mode de vie différent est ainsi forte. Mais de nombreuses variables sont à prendre en compte avant de plonger son entreprise dans ce grand chamboulement. Pour les explorer, nous avons fait appel à trois expertes ConvictionsRH, le cabinet de conseil en RH, SIRH, transformation et organisme de formation :

  • Marine Chabot, Associée
  • Camille Gaumet, Consultante confirmée
  • Marie Voyiatzis, Consultante confirmée

4 jours par semaine en entreprise : de quoi parle-t-on ?

À première vue, la semaine de travail en 4 jours offre une structure temporelle attrayante. Il existe deux grands modèles applicables en fonction des ressources, besoins et métiers de l'entreprise :

  • La semaine de travail “de” 4 jours qui réduit le nombre d’heures travaillées à 32 heures au lieu de 35 heures, soit 8 heures quotidiennes auxquelles s’ajoute une journée de repos hebdomadaire supplémentaire.
  • La semaine de travail “en” 4 jours, préconisée par Gabriel Attal, qui augmente les heures de travail quotidiennes en répartissant les 35 heures légales sur 4 jours au lieu de 5 et qui permet également de bénéficier d’une journée de repos hebdomadaire supplémentaire.

Avant d’envisager l’un des deux modèles, il est important de prendre en compte le facteur décisif pour les salariés : la rémunération. Selon l'étude People at Work 2022 d'ADP, 67% des français ont affirmé que le salaire est primordial pour un emploi. Même si 57% seraient prêts à accepter une baisse de rémunération en échange d'un meilleur équilibre vie professionnelle / personnelle, le maintien du salaire reste une condition sine qua non.

Ainsi, la transition vers une semaine de travail resserrée sur 4 jours, soulève diverses questions :

  • Doit-on et peut-on maintenir les salaires ?
  • Ce dispositif implique-t-il le recrutement de nouvelles ressources ?
  • Quels impacts sur nos clients ?
  • Quel modèle de “S4J” : Concentré du lundi au jeudi pour tous ? Réparti sur la semaine pour assurer une continuité de service 5 jours sur 7 ?
  • Et si l’ensemble des collaborateurs de souhaite pas intégrer le dispositif ? Quels impacts pour ceux qui conservent une organisation du temps de travail “classique” ?
  • Ferme-t-on les bureaux un jour supplémentaire par semaine pour réduire les coûts et l’emprunte carbone (moins de transports, moins d’électricité, moins de service) ?
  • Le télétravail et la “S4J” sont-ils compatibles ? Dans les conditions actuelles ou les modalités des accords / chartes sont-elles à réinterroger ?
  • Pour ceux qui ont adapté leurs espaces de travail au taux de présence lié au télétravail, quel impact sur la capacité d’accueil sur site si restriction de la présence sur 4 jours et non 5 (évolution du taux de présence, impact sur le taux de flex office) ?
  • D’autres conséquences sur l’Organisation du Temps de Travail sont-elles à envisager (jours de congés, RTT, etc.) ?

Autant de questions et d’axes de réflexion qui sont à analyser et discuter avant de se lancer dans le déploiement de la semaine de travail répartie sur 4 jours.

3 étapes clés avant de décider de passer à la semaine de travail en 4 jours

1. Mesurer l’expérience collaborateur

Avant d'embrasser une tendance, il est crucial d'évaluer la santé fondamentale de l'entreprise et de son management en réalisant une évaluation exhaustive de l'expérience des collaborateurs sur tous les leviers de motivation. Cela permettra de déterminer si l'entreprise est sur la bonne voie avec ce projet de transition vers une semaine de travail en 4 jours.

Dans l'entreprise, existait-il déjà une certaine flexibilité ? Un accord ou une charte de télétravail déjà en vigueur ? Prenons par exemple une politique hybride qui autorise jusqu'à 3 jours de télétravail par semaine. En passant à une semaine de travail en 4 jours, les employés ne seraient potentiellement amenés à revenir sur site que pour une journée par semaine. Le télétravail étant difficile à remettre en question, cette transition vers une semaine de travail plus courte pourrait constituer une opportunité pour renégocier les accords existants.

L’enjeu est surtout de légitimer la venue sur site en faisant comprendre aux collaborateurs quelles sont les raisons sous-jacentes, afin qu’ils y trouvent un bénéfice, qui pourrait être de voir ses collègues, ou de profiter d’équipements de qualité. Pour Marine Chabot : “c’est gagné quand les gens aiment autant télétravailler que venir sur site”.

Le manager sera ainsi mieux à même de dynamiser le travail hybride et les espaces de travail tout en évitant le risque de réduire les interactions. Cependant, il est primordial de doter les managers de proximité des outils nécessaires pour orchestrer efficacement les plannings. Noëlla Gavier, Chief People Officer chez Welcome to the Jungle France, met en lumière l’importance de la documentation et de la culture de l’asynchrone :

“Chez Welcome to the Jungle, les formations et l’accompagnement des managers visent à établir un environnement propice à la progression et à la performance des équipes, tout en leur accordant du temps ensemble mais aussi individuel pour traiter les sujets sur quatre jours. L’enjeu réside dans la fourniture de méthodes de management et de structuration des réunions afin de rendre le temps de travail le plus efficient possible. Le cinquième jour est explicitement dédié au repos.”

Le processus d'intégration des managers chez Welcome to the Jungle bénéficie de l’accompagnement de l'équipe RH et d'un "buddy". En parallèle, le nouveau manager dispose d'une documentation élaborée sur les bonnes pratiques, basée sur une enquête menée au préalable auprès des équipes.

2. Analyser l’impact à 360°

Il est essentiel de comprendre les différentes implications d’une telle réorganisation sur les équipes, les partenaires ou encore les clients. Quels sont les avantages et les inconvénients associés ? Est-ce une organisation pérenne ? Quelles conséquences sur la stratégie, la culture, et la gestion de l’humain ?

Un travail doit également être effectué quant à l'identification des tâches standardisables. Dans une journée de travail plus longue, il sera nécessaire d’optimiser son temps afin de compléter ses activités tout en limitant le stress potentiellement accru. Comment l'intelligence artificielle peut-elle aider à temporiser des tâches spécifiques ?

La culture de l’asynchrone pourrait ainsi se développer plus facilement, tel un véritable soutien à l’activité et aux équipes hybrides. En parallèle, la réduction des réunions et de leur temps est une piste à envisager. Barco et Circle Research ont d’ailleurs réalisé une étude ayant estimé que le temps idéal des réunions serait de 21 minutes.

Mais la semaine de travail en 4 jours est en réalité plus complexe à mettre en place que cela. Le cabinet ConvictionsRH a d’ailleurs reçu de nombreuses demandes d’accompagnement à la mise en place de cette nouvelle organisation avant l'été 2023. Un an plus tard, aucune entreprise n'a finalement adopté le modèle, pour des raisons économiques. Parfois, c’est tout une structure qui est à revoir, notamment en cas de facturation à la journée.

Il est toutefois possible de réaliser une expérimentation de la semaine en 4 jours avant d’envisager le déploiement à l'ensemble de l'entreprise. La bonne pratique est de former un panel représentatif qui n’inclut pas seulement les personnes déjà convaincues. Cela permettra d'ajuster et de convaincre les sceptiques de base, qui pourront même devenir des ambassadeurs du modèle, la direction ne sera ainsi plus la seule à promouvoir cette transition.

Au final, à l’instar du travail hybride, il n’y a pas un modèle unique pour la semaine en 4 jours. Il existe autant de possibilités que d’entreprises, tant cela dépend de la culture et des personnes qui la font vivre au quotidien.

3. Impliquer les partenaires sociaux

Le télétravail, négocié avec les partenaires sociaux, a apporté son lot d'avantages, dont une productivité accrue, contredisant ainsi l'argument des employeurs y étant initialement opposés. Cependant, si mal organisé, il peut avoir des impacts négatifs sur la collaboration, l'innovation et le lien social. La semaine de travail en 4 jours ne va pas venir corriger ces effets négatifs, elle peut au contraire les amplifier. En revanche, elle pourra jouer un rôle crucial dans la rétention des talents, devenant ainsi un enjeu majeur pour certaines entreprises.

La question de la semaine en 4 jours, comme celle du télétravail, doit alors être envisagée en amont avec les différentes instances. L'objectif est d'aboutir à un accord collectif négocié, l’implication des partenaires sociaux et des délégués syndicaux étant indispensable pour en définir les modalités.

“En termes de dialogue social, la co-construction du modèle de la semaine de / en 4 jours avec les instances représentatives du personnel est la recommandation” insiste Marine Chabot.

Des points spécifiques pourront ainsi être soulevés :

  • Vérification de la création d’un avenant au contrat de travail, avec la possibilité pour les salariés d’adhérer ou non au dispositif
  • Ouverture de la négociation du contenu de l’Organisation actuelle du Temps de Travail
  • Établissement de la liste des métiers concernés au sein de l’organisation

Les nouvelles organisations du travail sont souvent critiquées, c’est d’autant plus vrai à leurs débuts. Le télétravail a souvent souffert de son inaccessibilité à certains emplois, créant ainsi des inégalités. Avec la semaine de travail en 4 jours, ces emplois pourraient bénéficier de cette nouvelle organisation du travail en fonction des négociations avec les partenaires sociaux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que 77% des actifs français seraient favorables à la semaine “en” 4 jours, selon le Baromètre de l'Économie AGPI de février 2024.

La semaine de travail en 4 jours est tout à fait envisageable en France si certaines conditions sont remplies et anticipées. En France, Welcome to the Jungle a adopté le modèle en octobre 2019 après 5 mois d’expérimentation, et la Métropole de Lyon l’expérimente depuis septembre 2023, un élargissement du dispositif est même prévu en septembre 2024. En 2022 au Royaume-Uni, 92% des 61 organisations ayant testé la réduction du temps de travail ont souhaité la poursuivre.

Les modalités d’application du dispositif sont nombreuses. Un jour de repos hebdomadaire supplémentaire pourrait être libéré, mais il est également possible d’alterner des semaines courtes et longues, ou pourquoi pas de s’adapter à la saisonnalité pour mieux répondre aux besoins de l’activité de l’entreprise.

La flexibilité reste essentielle. Si le résultat recherché est de jouer sur la flexibilisation des temps de travail, d'autres options existent. Un employeur peut notamment créer des congés avec n'importe quel titre et modalité de prise. Cela pourrait être “3 jours de congés associatifs par an”, ou “3 jours de congés en cas d’adoption d’un animal”. Tout est possible, mais il est impératif d'examiner en priorité les attentes des collaborateurs et l'effet de ces mesures !

Vous souhaitez en savoir plus sur comment des entreprises comme Welcome to the Jungle utilisent Deskare pour organiser leur travail hybride ? Discutons-en 15 minutes !